Après avoir traversé des années de galère, la jeune Enora a réussi à créer son petit coin de rêve au nord de Nantes (Loire-Atlantique), sous forme d’un petit habitat léger. Pour le conserver, elle a dû se battre.
Au nord de Nantes, depuis 2018, Enora vit dans une cabane de 18 m2 aux Chesneaux, un endroit isolé de la commune des Touches (Loire-Atlantique).
Un habitat » très léger, démontable, fait sur des pilotis et donc sans fondements. Il n’y a pas le moindre centimètre de béton », souligne-t-elle.
Des poursuites pour « trois infractions »
De ce logement que plusieurs jugeraient trop étroit et bien trop sommaire – il ne possède aucun réseau – pour pouvoir y vivre en permanence, Enora en a pourtant fait son petit paradis. Une paradis pour lequel elle a dû se battre, au mois de mars 2022, en ayant été assignée en justice par la commune pour, entre autres, le non-respect des règles d’urbanisme.
Cette procédure a été lancée « dès 2018 par la mairie des Touches », suite à son absence de dépôt préalable de demande de permis de construire sur ce terrain.
« J’ai été poursuivi pour avoir commis trois infractions », déclare Enora. Sur les documents judiciaires présentés par la Touchoise, on retrouve les intitulés des trois chefs d’accusation : « Exécution de travaux non autorisés par un permis de construire », « Infraction aux dispositions du Plan Local d’Urbanisme (PLU) » et « Installation de caravane de manière irrégulière plus de 3 mois par an ».
» La convocation est très pénible. Il est nécessaire de trouver un avocat, pour constituer le dossier….. Il est très difficile de vivre psychologiquement ». Les rapports d’Enora
La jeune trentenaire a néanmoins gagné ce procès. En tout cas, elle a gagné le droit de conserver son chalet, qui est sa résidence principale, alors que la municipalité exigeait sa déconstruction.
Seules la violation du PLU et la non-déclaration de l’installation de la caravane ont été retenues. Le tribunal ne l’a donc condamnée qu’à une amende de 200€, dont 100€ avec sursis.
» La chance m’a souri « , reconnaît Enora.
» En effet, je suis tombée sur un juge très humain, qui s’est vraiment intéressé à mon histoire. Du coup, j’avais des circonstances atténuantes : mon passé de SDF, ma mère malade et aussi le fait que j’ai vraiment purifié ce terrain qui était une friche. » Rapports d’Enora
Un mode de vie minimaliste
» En octobre 2017, j’ai acheté ce terrain de 2 200 mètres carrés, classé en agriculture-loisirs. Ça faisait trois ans que j’étais à la rue : Je vivais dans ma caravane, à droite et à gauche », raconte cette aide à domicile de 37 ans.
» Je me suis élevée dans des logements sociaux à Nantes. Toute petite, je disais déjà à ma maîtresse que je voulais vivre dans les champs quand je serais grande. J’ai toujours voulu vivre près de la nature, très simplement et avec le moins de besoins superficiels possible. » Rapports d’Enora
La revalorisation d’un » champ vague »
Alors quand elle a trouvé ce terrain avec son petit bassin au fond, malgré son apparence de « friche » et de « champ de ronces dans lequel il y avait des déchets d’amiante, de la ferraille, etc. », elle a « tout de suite vu le potentiel. »
« J’ai tout réhabilité », explique-t-elle. Mais ce n’est qu’après avoir défriché le terrain qu’elle s’est rendu compte qu’un hangar existait sur le site. « Il était pourtant bien cadastré », souligne-t-elle.
La jeune femme entreprend depuis 2018 la réalisation de sa cabane.
Ma cabane, je l’ai dessinée. Ensuite, je l’ai construite avec mon ami, qui est charpentier. Les autres amis du métier m’ont aussi donné des matériaux mais j’ai acheté l’essentiel. Au total, la réalisation du chalet m’a coûté environ 10 000 €, sans compter les panneaux solaires. Enora
Du soleil pour s’éclairer, de l’eau de pluie pour se laver
Effectivement, ce sont les panneaux solaires qui fournissent l’électricité. « En hiver, quand le soleil ne brille pas, il m’arrive de passer mes soirées à la bougie ».
Plus étonnant, Enora n’est pas raccordée au réseau d’eau potable.
Pour mes besoins quotidiens, j’utilise principalement l’eau de pluie : vaisselle, toilettes, cuisine….. Pour la lessive, je triche un peu puisque j’emmène régulièrement mes vêtements chez mon ami qui a une machine. Enora
Cette jeune trentenaire profite également des visites chez ses amis pour « remplir un bidon de 5 litres, en cas d’urgence. Pour le jardin, j’utilise l’eau de l’étang ».
Pour les toilettes, elle utilise des toilettes sèches installées près de son chalet, dont elle recycle les résidus en compost.
Environ 80€ de chauffage par an
Côté chauffage, enfin, elle a installé « un petit poêle à pétrole » dans son chalet. « J’aimerais bien le remplacer par un poêle à bois mais je n’y pense pas encore car je n’utilise pas de bois de chauffage sur mon terrain.
Pour ce qui est de la télévision, c’est simple, elle n’en a pas ! « Je lis beaucoup et je fais de la musique », explique Enora, également peintre à ses heures perdues.
Cette façon de vivre minimaliste est celle qui convient le mieux à la jeune femme, à tous les niveaux : elle a fait un vrai choix de vie, mais il s’agit aussi du seul moyen pour elle de se loger dans une maison avec jardin dans une région – à proximité de Nort-sur-Erdre (Loire-Atlantique) – où le prix de l’immobilier et les loyers ont flambé ces dernières années.
La jeune femme accueille sa mère malade dans sa caravane
Elle partage ce bonheur de vivre dans cet écrin de verdure avec ses amis, mais aussi et surtout avec sa mère, qu’elle accueille « environ six mois par an » dans sa caravane, aménagée à l’autre bout de la propriété.
Ma mère est atteinte d’un cancer. Je l’accueille ici par beau temps, pour lui éviter de pourrir seule dans son HLM, au 5ème étage sans ascenseur… Raconte Enora
C’est d’ailleurs l’un des des arguments qui a joué en sa faveur lors du procès qui lui a été intenté le 4 mars dernier devant le tribunal correctionnel de Nantes.
Une nécessité de débattre de l’habitat léger
La jeune femme espère que d’autres personnes dans son cas – des usagers de logements légers – auront la chance de voir leur dossier étudié avec autant de bienveillance.
» Nous sommes souvent stigmatisés. Il existe des gens qui squattent un terrain et font ce qu’ils veulent. Ce n’est pas mon cas. Chaque cas doit être étudié individuellement. Et je trouve aussi triste que souvent il n’y ait pas de place pour la discussion.
Finalement, à titre tout à fait personnel, elle dit aussi espérer obtenir de la municipalité « une poubelle et une boîte aux lettres », comme tout autre citoyen ordinaire.